faits et gestes


Entreprises

Ces comités qui représentent les salariés

Ils assurent, en Alsace, la représentation de quelque 305 000 salariés. Les comités d’entreprise n’en restent pas moins de grands inconnus.

Philippe Schalk

« Il est équitable et salutaire d’associer, par l’esprit et par le coeur aussi bien que par les mains, à ce qui est gestion, organisation, perfectionnement des entreprises, ceux qui prodiguent leur peine. C’est donc dans cette voie que nous nous sommes engagés en créant les CE, dont l’extrême importance ne peut être contestée dans ce qu’il y a de social à la base de l’économie. »

Organisation, perfectionnement, oeuvres sociales... Le 2 mai 1945, le général de Gaulle résumait-là(1) les deux missions d’une institution dont les chefs d’entreprise de plus de 50 salariés devraient désormais tenir compte. Contrairement aux idées reçues, le CE ne se cantonne pas dans l’organisation des loisirs des salariés. Il intervient à titre consultatif dans toutes les décisions patronales relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de la société, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production. La partie « activités sociales et culturelles » étant, quant à elle, sans limites, et laissée à l’entière responsabilité des membres du CE.

Si les mauvaises langues, et les désabusés, se plaignent de son rôle économique strictement consultatif, « une consultation bien menée est utile, et pas seulement formelle, souligne Nicolas Dubost, le PDG de Format CE, une société mulhousienne de formation pour CE, implantée depuis trois ans à Paris. En France, on ne voit d’intérêt que dans le pouvoir. Or, une alliance entre capital et travail crée de la valeur ! »

Seulement voilà, dans la pratique, tout n’est pas si facile. « On reçoit souvent l’information trop tard, quand on ne peut plus remettre en cause la décision de la direction », constate Marcel James, le secrétaire du comité central d’entreprise des brasseries Kronenbourg (notre photo). On essaye alors de limiter la casse. Et d’illustrer : « Au moment de la fermeture du site de Strasbourg, notre préoccupation a été de maintenir les emplois. Nous avons réussi à transférer tous les salariés vers l’usine d’Obernai. »

1,9 milliard de francs par an

Pour mener à bien ses missions, le CE, comme n’importe quelle structure, nécessite des fonds. Il dispose de deux budgets distincts. Le premier est alloué aux activités socioculturelles. Le CE prend en charge une partie du coût des prestations proposées aux salariés. Le comité d’établissement de la succursale strasbourgeoise de Citroën met par exemple à disposition de ses 100 salariés, des billets de cinéma à 30 francs (4,57 euros), 20 francs (3,05 euros) étant préalablement réglés. Quant au comité de gestion inter établissement de Kronenbourg, il a acquis pour le personnel des trois établissements alsaciens, 17 mobile homes et un chalet à Chamonix.

Autant dire que le CE représente un puissant prescripteur de l’économie locale. Leur poids économique est à effectif égal, grosso modo le même partout en France.

En Alsace, le pouvoir d’achat des 1 391 comités d’entreprises recensés était estimé, en 2000, à 471,65 millions de francs (71,9 millions d’euros), soit en moyenne 1 % de la masse salariale brute. Comme la loi ne prévoit pour cette enveloppe, aucun minimum légal, il est à négocier avec l’employeur. Chez Kronenbourg, le résultat est plutôt exemplaire. « Nous ne l’avons pas obtenu en un jour, mais, aujourd’hui, 3,12 % de la masse salariale nous est versée pour les activités sociales. Cela équivaut à environ 11 millions de francs (1,68 million d’euros) », commente son secrétaire, Valentin Reiss.

En revanche, depuis 1982 - et nous abordons le deuxième volet budgétaire - la loi impose que soit reversé aux CE au moins 0,2 % de la masse salariale brute annuelle de l’entreprise, pour le fonctionnement, l’équipement du CE et la formation de leurs élus(2). Ce budget a été évalué l’an dernier dans notre région à 58,42 millions de francs (8,91 millions d’euros).

Se former pour être crédible

Car être membre du CE ne s’improvise pas ! Des élus titulaires le gèrent. Un secrétaire le pilote, sous mandat de ses élus. Pour jouer pleinement leur rôle d’acteur économique et d’animateur socioculturel en direction des salariés qu’ils représentent, il leur faut se familiariser avec les rouages et les missions du CE. Aujourd’hui plus que jamais, étant donné les nouveaux défis qu’ils ont à relever, le chantier des 35 heures notamment.

Résultat, les élus des CE se professionnalisent de plus en plus dans leur manière de s’associer à la marche de l’entreprise. En Alsace, encore plus qu’ailleurs. « Je le vois lors des salons. Les visiteurs alsaciens sont chaque année plus avertis », témoigne Josette Rauzi, l’organisatrice du Cecom en France, le salon des comités d’entreprise.

Informés par la lecture de la presse spécialisée, et l’étude approfondie du code du travail, ou des conventions collectives, 72 % des CE sont aussi informatisés. À cela s’ajoutent des formations dispensées par des entreprises telles que Format CE ou encore l’association des comités d’entreprises d’Alsace, Ircos.

C’est l’opportunité d’appréhender une réalité dont leur métier les exclut, qui semble motiver la majorité des élus en poste. « Nous avons un vrai regard sur l’économie de la société , explique Marcel James qui occupe chez Kronenbourg un poste d’ouvrier du conditionnement, dit « stérilisateur ». Ce qui me plaît surtout, ce sont les contacts avec toutes sortes de personnes, et en particulier le patron. »

Mais rien ne sert d’avoir envie, si on ne fait pas preuve de certaines qualités humaines. La première, celle qui vient sur les lèvres de tous les témoins interrogés : « être à l’écoute ». Et Nicolas Dubost de poursuivre : « un secrétaire peut devenir l’interlocuteur privilégié du chef d’entreprise, à condition de représenter le personnel et non ses idées personnelles. La deuxième serait d’être un animateur de groupe, car il doit être investi de la crédibilité de tous les élus. Leur mission est noble mais ambitieuse ».

En 1944, le journaliste Maurice Noël écrivait à ce sujet dans le Figaro : « l’intelligence ouvrière est mal employée dans le machinisme. » Aux CE d’en changer !

1) Les CE ont été créés le 22 février 1945 par ordonnance du général de Gaulle.
2) D’après une étude de l’Ifop réalisée en septembre 1999, notons que malgré l’obligation imposée par la loi, 12 % des CE ne perçoivent pas cette subvention.

Anne Herriot

L’ensemble du personnel élit au suffrage universel direct les membres titulaires et les suppléants du CE.

1945 wurde er von Charles de Gaulle geschaffen, für jedes Unternehmen mit mehr als 50 Beschäftigten ist er obligatorisch: der Betriebsrat. Er vertritt die wirtschaftlichen und sozio-kulturellen Interessen der Arbeitnehmer gegenüber dem Arbeitgeber.
Salon, conférence, rencontres

Les CE tiendront salon les jeudi 15 et vendredi 16 février, au parc des expositions du Wacken. Au programme de la 11e édition du Cecom de Strasbourg, des rencontres, des conférences, et plus de 90 stands. Des experts feront le point sur l’application des 35 h, le pouvoir du secrétaire, et donneront des conseils pour mieux organiser les voyages et sorties, même avec un petit budget. La nouveauté cette année sera l’opération « nouveaux secrétaires » que les organisateurs se proposent d’accompagner dans leur mandat. Le salon sera d’ailleurs l’occasion de promouvoir une hot-line destinée à l’usage de ces jeunes élus.
Contacts : Marie-France Schmidlin,
tél. : 03 88 610 615 ou 06 61 712 342. Courriel : crpmfs@aol.com



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